365 jours en arrière

3 février 2016

Demain mes bébés auront un an.
Demain mes derniers bébés souffleront leur première bougie.

maternite

Je me revois avec mon ticket d'attente dans le hall de la maternité régionale. Une niveau 3 parce que j'attends des jumeaux.

Je me revois patienter que l'on me guide jusqu'à ma chambre en vue de la césarienne fixée au lendemain.

J'avais été prévenue assez tôt par le chef du service (le même qui avait accepté de me déclencher à 37SA + 2J après avoir lu mon épais dossier et entendu mes angoisses morbides) que j'allais avoir une nouvelle césarienne.
On savait donc depuis 6 semaines quand allaient arriver nos derniers bébés (à 37SA + 3J ! j'ai des bébés qui aiment rester au chaud), même si j'avais l'infime espoir qu'ils sortent d'eux-mêmes puisqu'ils se présentaient tous les deux par la tête.
J'avoue que le fait de savoir "quand" nous a permis de nous organiser.
Pas le stress de se dire quoi faire des grands parce que les grands-parents habitent à plus de 2h de route. Même si plusieurs voisins nous avaient dit de ne pas hésiter à sonner chez eux si c'était le moment.
Mes parents sont venus quelques heures avant que j'entre à la maternité, ils étaient là pour la sortie d'école des grands afin de se présenter à la maitresse, un dernier bisou d'au revoir et on partait.

J'ai eu droit à une chambre individuelle.
L'avantage des césariennes et des naissances gémellaires.
Un repas frugal hérité d'une maman qui était sortie en fin de journée, un dernier bisou au papa qui reviendrait le lendemain pour 9h, n'ayant pas l'information si je passai la première ou la seconde sur les 2 chirurgies programmées.
S'abonner à la télé pour tuer le temps la soirée, se prendre une douche à la bétadine avant de se coucher et une autre en se levant, en badigeonnant l'énorme ventre.

bidon Prendre une dernière photo de mon gros ventre distendu.
Un dernier souvenir.

Le papa arrive, les derniers examens par l'infirmière (tension, température), on me prépare avec la jolie (sic!) tenue et on m'embarque dans les longs couloirs.
On attend longtemps dans le sas au niveau chirurgie.
On devait passer à 10h, il est 11h15. Je n'ai rien bu, ni mangé depuis la veille 18h et j'ai déjà le gosier sec.
Les mecs qui poussent les lits dans les salle rigolent entre eux, plaisantent et nous souhaitent une jolie naissance.
Vient mon tour.
Un dernier bisou au papa qui se prépare dans la pièce adjacente pour accueillir nos bébés.
Parce que malgré nos requêtes, le papa n'a pas eu le droit d'assister à la naissance en étant avec moi, de l'autre côté du champ opératoire. Ca c'est que pour les films ou les reportages télé.

On me fait le rachis.
L'anesthésiste est drôle.
Ca me changeait de l'affreuse bonne femme à laquelle j'ai eu droit pour les grands, celle qui m'avait gueulé dessus à la pause de la péridurale parce que je n'arrivais pas à faire le dos rond (et plus elle me parlait mal plus je me raidissais) et que j'avais retrouvé 10h plus tard en salle d'opération pour la césarienne (où elle m'avait à nouveau aboyé dessus quand je lui ai demandé si c'était normal que je sente qu'on m'appuie sur le ventre alors que j'étais censée être anesthésiée).
Il y a du monde autour de moi. Je les sens souriants derrière leur masque opératoire. On me demande si je connais les sexes (oui) et si je veux bien donner les prénoms (oui).
Apparemment il n'y avait que des petites filles nées depuis ce matin, donc ils étaient ravis et trouvaient nos choix jolis (en même temps je les voyais mal dire le contraire).

J'épelle les prénoms soigneusement pour les petits bracelets mains et pieds bleus, en disant lequel est pour J1 (à gauche), lequel est pour J2 (à droite).
Et c'est parti.

Je sens qu'on appuie sur mon ventre et j'entends déjà les premiers pleurs de MiniLoup.
On me le présente, tout blanc de liquide amniotique, il a une petite ride sur le front (qu'il a encore) et les yeux clairs. Je lui trouve une folle ressemblance avec PetitLion et déjà on l'éloigne de moi pour le présenter au papa, dans la pièce là-bas.
Je me sens "partir" avec l'anesthésie, je le signale et l'anesthésiste réduit le dosage.
J'entends l'obstétricien dire en jurant que J2 s'est retourné et se présente maintenant en siège. Tu m'étonnes, il passe d'un studio à un F2 pour lui tout seul ! MiniPouss en profite pour faire une dernière java...
Je n'entends rien, je ne vois rien. Je sais juste qu'une sage-femme emporte mon bébé loin de moi sans que je ne le vois.
L'angoisse m'étreint la gorge, je sens mes yeux se remplir de larmes.
Et là on m'explique.
Mon bébé ne respirait pas. Trop de glaires. Il est donc emmené pour des soins, près du papa et de son frère.
J'ai l'affreuse envie de vomir, on me tend alors un haricot en métal au cas où. On me recoud. J'entends la pose des agrafes sur mon bas-ventre.

Il se passe un temps infini à mon sens, sans que j'ai des nouvelles de mon tout petit.
Une sage-femme revient alors pour me rassurer par 3 mots "il va mieux".
On me guide hors de la pièce.
Dans le sas, menant à la salle de réveil, j'ai droit à 2 minutes pour voir mon MiniPouss dans les bras du papa. L'embrasser et voir de mes yeux qu'il va bien.
Et je file déjà.

Dans la salle de réveil, il y a toutes sortes de patients sortant de chirurgie. Mais je suis la seule nouvelle maman.
Il y a eu des pontages et une jambe cassée.
On me demande si je commence à ressentir les effets de l'après-anesthésie. Mais je ne parviens toujours pas à bouger mes jambes.
Je trouve que ça commence à devenir long. Je vois les minutes passer.

J'arrive enfin à bouger mes doigts de pieds et j'ai affreusement mal à ma cicatrice toute neuve.
Je vois les infirmiers et infirmières partir manger, revenir. L'un d'eux s'étonne de me voir encore là. J'assiste au changement d'équipe. Et je perds clairement patience.
Ca fait déjà 3h que je suis là, sans avoir aucune nouvelle de mes bébés.
Personne ne peut me signer mon bon de sortie pour retourner dans ma chambre (les joies du manque d'effectif !). Je commence à chialer comme une gosse en disant que je veux voir mes bébés, surtout celui que j'ai à peine pu toucher.

On me libère enfin. Il est 15h et je meurs de soif.
Je retrouve mon mari qui ne savait pas non plus ce que je faisais ni où j'étais passée durant tout ce temps (aucune info ne lui a été communiquée, personne n'a pu le renseigner durant 3h !) et surtout mes bébés.
Je m'émerveille de les voir, si beaux, si petits (mais pas tant que ça pour des jumeaux), si parfaits.
Je touche leurs mains, je caresse leurs joues.
Je suis heureuse. On est heureux.

naissance Ils sont là, nés à 11h32 et 11h34, ce mercredi 4 février 2015.
Il y a un an.
Mes derniers bébés.
Mes nouveaux amours.